« C’est un diamant noir » annonce Cédric Gourmelon au sujet de Haute surveillance, première pièce de Jean Genet qui en initia la rédaction au centre pénitentiaire de Fresnes en 1942 sous le titre Pour la belle, et qui la retravaillera jusqu’à la fin de sa vie en 1985.
On y retrouve la mythologie qui traverse son œuvre et entoure sa vie : sa fascination pour les criminels, la masculinité, l’accomplissement de soi, la fatalité, le désir… L’action est resserrée autour de trois jeunes détenus. Le premier, nommé Yeux verts, figure charismatique, est un « vrai » assassin vénéré par deux délinquants, Maurice, gueule d’ange à la beauté troublante, et Lefranc, le seul à ne pas être analphabète, qui a le privilège de lire et rédiger la correspondance entre le caïd et sa femme – l’absente, objet du fantasme commun.
Il fallait un amoureux et un praticien accompli de l’œuvre de Genet pour mettre en scène ce huis clos dense et poétique. Cédric Gourmelon a déjà monté Splendid’s, Le Funambule et Le Condamné à mort, poème mis en musique par Étienne Daho. Haute surveillance est un de ses textes fétiches qu’il crée aujourd’hui pour la troisième fois. Il conduit les acteurs de la Troupe dans les revers de cette écriture qui réclame un engagement physique intense. Ensemble, ils apprivoisent le style unique de l’auteur qui donne la parole, et une forme de noblesse, à de mauvais garçons comme lui mis au ban de la société. Là est l’immense talent du théâtre de Genet : « c’est la politesse à l’égard de la matière, il consiste à donner un chant à ce qui était muet ».